Produire du kérosène à partir de la biomasse forestière ne décarbonera pas le transport aérien


Forêt Vivante Pyrénées, qui rassemble 67 associations nationales et régionales de défense de l’environnement, dont plusieurs membres de SOS Forêt France, a rendu publique ce 5 février 2025 son expertise du projet E-CHO de production de biocarburants sur le bassin de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), avec trois usines : eM-Lacq (6 ha) à Lacq et Mont, HyLacq (14 ha) à Mourenx, Pardies et Noguères et BiotJet (45 ha) à Pardies et Bésingrand. Conclusion : en tenant compte de l’impact de la récolte forestière, le bilan carbone de ce projet est négatif, puisque les nouveaux arbres auront besoin de plus de 20 ans pour commencer à séquestrer la même quantité de carbone que celle prélevée.

« Elyse s’approprie la croissance de la forêt pour les seuls besoins d’E-CHO, alors qu’il faut raisonner sur l’ensemble de la forêt française et du puits de carbone correspondant », explique Pierre Biscay, l’un des ingénieurs du Shift Project, qui a aussi mené une étude aboutissant aux mêmes conclusions que Forêt Vivante Pyrénées.

La veille, l’expert mandaté par la Commission nationale du débat public (CNDP), le cabinet Carbone 41, avait présenté ses conclusions, basées sur la méthode de calcul préconisée par l’UE qui considère l’impact de la récolte forestière comme sans effet sur le bilan carbone du projet. Une approche biaisée, que nous dénonçons tout comme Forêt Vivantes Pyrénées dans son analyse.

Le projet E-cho : trois usines sur le bassin de Lacq. Image : capture d’écran Elyse Energie

L’expert CNDP a d’ailleurs tenu, ajoute le communiqué, à préciser les recommandations du GIEC, selon lesquelles il faut tenir compte des « variations estimées des stocks de carbone résultant de la récolte de la biomasse et de l’impact de ces variations sur le bilan carbone national ». Dans sa conclusion, il avertit, en outre, que le prélèvement de la biomasse « ne doit pas induire de réduction du stock de carbone sur le long terme pour que le projet ne contribue pas à l’augmentation des émissions nettes du secteur AFOLU.»

En effet, pour obtenir le CO2 nécessaire, ajoutent justement les Pyrénéens, « la production de ce « bio »-carburant nécessitera de couper des arbres, ce qui provoquera un déstockage du carbone qu’ils contiennent. Les nouvelles plantations et régénérations d’arbres auront besoin de plus de 20 ans pour commencer à séquestrer la même quantité de carbone ».

Elyse a déjà bénéficié de 8 millions d’euros de subventions. L’entreprise demande 2 milliards d’euros suppémentaires aux investisseurs, dont la Banque publique d’investissement, alors que ce projet ne réduirait en rien les émissions de gaz à effet de serre de la France. E-CHO doit être abandonné !

SOS Forêt s’oppose à « une politique énergétique européenne misant sur le tout bois énergie, facteur d’aggravation des crises écologiques, et qui condamne par avance toute possibilité de gestion forestière durable ». (Préambule)
« La politique de séparation des fonctions dans l’espace, l’intensification de la production partout avec surexploitation locale (décapitalisation, prélèvement supérieur à l’accroissement) et l’extraction des souches et rémanents de coupes doivent être suspendus d’urgence, et évalués sur les plans écologique, économique, social, mais aussi juridique, vis-à-vis du Code forestier et du Code de l’Environnement (dont les Directives Oiseaux et Habitats définissant le réseau européen Natura 2000). » (Proposition 2)
« L’isolation des bâtiments et les économies d’énergie dans tous les domaines doivent être la priorité de la politique énergétique. Les politiques publiques doivent conditionner leurs aides financières dans le domaine énergétique à la maîtrise préalable de la consommation d’énergie. Tout projet industriel, en particulier bois-énergie, doit être disqualifié s’il est sans rapport avec la ressource forestière d’un territoire et n’assure pas un bilan écologique et énergétique optimal, et n’est pas alimenté préférentiellement en produits connexes de scieries. Une relocalisation dans les territoires et le développement de petites unités de production d’énergie en co-génération proches de la ressource est l’alternative principale à promouvoir. » (proposition 10).

NB : SOS Forêt France sera présente pendant tout le salon Primevère 2025, du 21 au 23 mars à Lyon avec un stand et y organise une conférence sur le thème : « Le Bois : une énergie écologique ? », avec Fédéric Bédel, coprésident de SOS Forêt France au titre du Snupfen-Solidaires et Jacques Descargues, ancien secrétaire général de l’ONF, porte parole de Forêt Vivantes Pyrénées.

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