Des entreprises n’hésitent pas à mentir pour pousser les propriétaires forestiers à vendre leurs parcelles ou à couper leurs arbres. C’est notamment le cas en Morvan, où 12 organisations, dont celles réunies dans le collectif SOS Forêt Bourgogne, dénoncent ce démarchage abusif et demandent l’interdiction de cumuler des activités de conseil et de marchand de bois.
« Votre forêt dépérit ». « Votre forêt va passer en zone Natura 2000. Vous ne pourrez plus rien faire ». Face à ces propos alarmistes, beaucoup de propriétaires forestiers, acceptent de suivre les « conseils » prodigués par les démarcheurs : vendre ou couper, d’autant que les conseilleurs peuvent aussi être acheteurs et prestataires de travaux forestiers.
Pourtant, nombre de parcelles visées par cette prédation ne sont pas du tout dans un état de dépérissement et le fait d’être dans une zone Natura 2000 n’empêche absolument pas de prélever du bois. Les organisations de défense de la forêt, dont celles réunies au sein de SOS Forêt Bourgogne, mènent une campagne d’information auprès des propriétaires forestiers pour les alerter sur ces pratiques abusives.
Les petits propriétaires forestiers n’étant pas tenus en dessous de 20 hectares de faire valider un Plan de gestion par le CNPF et les coupes rases n’étant soumises à aucune autorisation en-dessous d’un seuil départemental (quatre hectares dans la Nièvre1) sont trop peu informés. Les organisations qui alertent sur les pratiques mensongères sont, elles, désintéressées. Elles conseillent vivement aux propriétaires, avant de vendre ou d’accepter que leurs arbres soient coupés, de prendre un deuxième avis, par exemple en les contactant ou en se tournant vers les services publics compétents.
Surtout, elles demandent qu’il ne soit plus possible pour une même entreprise de conseiller et d’acheter. Nous relayons leur appel pour qu’une loi prévoyant cette interdiction de cumul soit votée rapidement. Le texte en est déjà rédigé. Il figurait sous l’article 11 dans la proposition de loi transpartisane déposée à l’Assemblée nationale avant la dissolution.
Une loi pour garantir l’indépendance du conseil forestier
Pour garantir l’indépendance du conseil forestier vis-à-vis du secteur marchand du bois, le Code forestier (article L. 332-6) doit être modifié.
Voici sa rédaction actuelle :
« Un organisme de gestion et d’exploitation forestière en commun a pour activité principale la mise en valeur des forêts de ses adhérents par la mise en commun de moyens humains et matériels permettant l’organisation de la gestion sylvicole, la récolte et la commercialisation des produits forestiers, notamment en vue de l’approvisionnement des industries de la transformation du bois.
Son statut juridique et les conditions de son agrément sont fixés par décret. »
Et voici ce que proposait l’article 11 de la proposition de loi « Proposition de loi « relative à l’adaptation de la politique forestière et des milieux forestiers face au changement climatique », déposée le 21 novembre 2023 :
« Un organisme de gestion et d’exploitation forestière en commun a pour activité principale la mise en valeur des forêts de ses adhérents par la mise en commun de moyens humains et matériels permettant l’organisation de la gestion sylvicole. Il ne peut acheter directement ou indirectement les bois issus des forêts qu’ils gèrent sous mandat de gestion. Son statut juridique et les conditions de son agrément sont fixés par décret. »
Le communiqué intégral
L’association Autun Morvan Écologie, l’association Sauvegarde du Massif d’Uchon (SaMU) et les membres du Collectif SOS Forêt Bourgogne* engagés dans la défense et la préservation des forêts souhaitent alerter les propriétaires forestiers sur certaines pratiques de démarchage observées récemment.
Nous avons été informés de démarchages insistants auprès de petits propriétaires forestiers, utilisant des arguments parfois trompeurs. L’objectif de ces démarchages est soit l’acquisition de forêts, soit la proposition de coupes de bois. Les discours tenus auprès des propriétaires évoquent notamment le projet d’extension des zones Natura 2000 comme une future contrainte qui empêcherait les propriétaires de gérer librement leurs arbres et forêts. De plus, il est souvent prétendu que les forêts sont en mauvais état, incitant ainsi à une exploitation rapide et intensive.
Ces pratiques mensongères peuvent induire en erreur les propriétaires, souvent vulnérables face à des informations alarmistes. Si un terme n’est pas mis à ces comportements, nous craignons une multiplication de décisions précipitées, telles que des coupes à blanc, au détriment d’une gestion sylvicole durable respectueuse des forêts et des écosystèmes forestiers.
Nous appelons à la vigilance et encourageons les propriétaires à se renseigner auprès des services compétents** et des organisations locales de protection de la forêt avant de prendre des décisions concernant leurs parcelles.
Nous demandons au Parlement – à nos députés et sénateurs – de mettre fin au cumul et conflit d’intérêt entre les activités de gestion des forêts et de commercialisation du bois.
Une gestion forestière responsable et éclairée est indispensable pour préserver la santé et la résilience de nos forêts, et pour protéger notre patrimoine naturel et paysager et nos puits de carbone naturels.
* Adeny, Adret Morvan, Arpent, FNE Bourgogne, GF du Chat Sauvage, GF de Sauvegarde des feuillus du Morvan, La Bresseille, Les amis de notre forêt au Duc, le Snupfen, Yonne Nature Environnement.
** CRPF (Centre Régionale de la Propriété Forestière), Parc du Morvan

- Pour 12 communes sur les 133 du PNR Morvan, ce seuil est abaissé à 2 hectares. ↩︎