La biomasse ou le concept simpliste de neutralité carbone

vu d'avion de la centrale biomasse de Gardanne
copyright@ Gaétan HUTTER avec son aimable autorisation

La biomasse est à la mode : la bioénergie (énergie issue de combustion de biomasse) représente déjà environ 65 % de la production totale d’énergies renouvelables au sein de l’Union Européenne. Environ 70 % de la bioénergie sont produits à l’aide d’une biomasse solide, principalement du bois. La combustion de la biomasse solide à des fins de chauffage, de refroidissement et d’électricité représente environ 45 % de la production totale d’énergies renouvelables (2016). Les plans de développement européens de la biomasse d’ici 2020 nécessiteront une quantité de bois utilisée à des fins énergétiques équivalente au volume total de bois récolté dans l’UE (en 2013). Cette constatation est alarmante pour le changement climatique : en effet tout devrait être fait pour stocker le carbone du bois dans des usages long comme la construction et non inciter à le brûler en relâchant immédiatement son carbone dans l’atmosphère.

L’accroissement du recours à la biomasse va rejeter massivement le carbone du bois dans l’atmosphère sur une durée très courte. Or la re-génération de biomasse nécessaire pour re-capturer le carbone émis va prendre plusieurs dizaines années (avec une sylviculture constante). Il y a donc mécaniquement un « pic carbone » qui va durer plusieurs dizaines d’années alors que l’objectif est de réduire les émissions de carbone à très court terme.

De plus, pour produire une même quantité d’énergie, la combustion de la biomasse émet 51% de CO2 de plus que la même quantité de charbon ce qui crée une « dette » carbone. Il a été calculé qu’il faut environ 40 ans pour annuler cette dette carbone supplémentaire par croissance de biomasse nouvelle, et qu’il faut au moins 100 ans pour neutraliser l’émission carbone totale.

Enfin, le changement de sylviculture (industrialisation de la forêt et coupe rase), inévitable dans ce cadre d’augmentation massive du recours à la biomasse, sera bien loin de re-capter le carbone perdu des forêts diversifiées que nous connaissons aujourd’hui, même sur une durée longue.

En parallèle, une orientation vers le « tout bois biomasse » déstabiliserait massivement la filière bois, au détriment de la transformation du bois d’œuvre et même du bois d’industrie, bien plus bénéfiques en création d’emplois et de valeur ajoutée que la filière bioénergétique.

En savoir plus :

A. Audition de Kelsey Perlman (Fern) et Sylvain Angerand (Canopée) par le député Hugo Bernalicis dans la cadre de la commission d’enquête parlementaire et citoyenne sur la forêt.

B. Le texte de 796 scientifiques du monde entier qui alertent l’Europe sur la politique énergie-biomasse européenne.

Télécharger (PDF, 561KB)

C. FERN, Bioénergie – note d’information, octobre 2016

D. SOS Forêt France, Snupfen-Solidaires : Forêt, climat, bois énergie en Europe – Trois approches scientifiques et techniques récentes – Morceaux choisis – Octobre 2017

E. Menaces sur la forêt française

MENACES SUR LA FORÊT FRANÇAISE. France 5, 2015. from Benoit Grimont on Vimeo.