Trois jours après le succès de la manifestation nationale pour des forêts vivantes du 14 juin à Pau, plusieurs participants au précédent rassemblement de Guéret en octobre 2024 ont été perquisitionnés. Avec plusieurs dizaines d’organisations de défense des forêts, SOS Forêt France s’élève contre la régression écologique et la répression vis-à- vis de citoyen·nes qui protestent contre la destruction du Vivant, pendant que les industries responsables de sa destruction sont protégées, encouragées et même outrageusement financées par des deniers publics.
Voici le texte complet du communiqué commun :
À notre connaissance, deux interpellations ont eu lieu le 17 juin 2025. Ce jour là, des militants écologistes du Limousin ont fait l’objet de perquisitions à leur domicile, puis ont subi respectivement une garde à vue de 24 et de 36 heures. Ils ont été interrogé au commissariat au sujet de faits qui se seraient déroulés pendant la manifestation du 5 octobre 2024, il y a donc plus de 9 mois !
L’une des deux personnes, mise en garde à vue, a écopé d’un contrôle judiciaire et d’une interdiction de quitter son département de résidence en attendant son audience prévue le 28 juillet. La seconde attend de savoir si elle sera poursuivie. Il lui serait reproché des actes de violences à l’encontre d’agents des forces de l’ordre, qui n’étaient pas identifiables lors de l’assaut qu’ils ont mené sur le cortège. « Cet assaut a été violent et inattendu, les personnes présentes à ce moment précis ont dû se protéger et se défendre » ont rappelé des membres d’associations présents ce jour-là.
Nous avons également appris qu’un manifestant venu de Charente Maritime a été interpellé le 3 mars 2025 aux alentours de 6 h à son domicile, avec usage de la force et sans motif précis énoncé. Il a été jugé par le tribunal correctionnel de Guéret le 19 juin, sans qu’aucun témoin pour la défense n’ait été entendu. Il serait retenu contre ce manifestant la « dissimulation de son visage ».
Or, en relaxant une personne poursuivie pour « dissimulation volontaire du visage » ‒ les faits remontaient à une manifestation contre la réforme des retraites, le 24 janvier 2020, à Rennes ‒ la 12e chambre correctionnelle de la cour d’appel de Rennes a reconnu le 7 septembre 2021 qu’un manifestant pouvait avoir un motif légitime pour dissimuler son visage, notamment pour se protéger lors de l’usage par les forces de l’ordre de gaz lacrymogènes et d’armes létales telles que le LBD.
Au vu des manifestations de ces dernières années, l’usage de gaz lacrymogènes et d’armes létales telles que le LBD semble devenu systématique dès lors que la BAC ou d’autres unités extérieures au territoire concerné sont mobilisées. Ces interventions, souvent brutales, entraînent de graves blessures, parfois des mutilations, infligées à des citoyen·nes exerçant pacifiquement leur droit de manifester.
À l’inverse, certaines forces locales font preuve de retenue et contribuent, par leur connaissance du terrain et des dynamiques sociales locales, à désamorcer les tensions. Ce contraste met en lumière deux logiques profondément divergentes : d’un côté, une logique de répression centralisée, fondée sur l’usage de la force ; de l’autre, une logique de cohésion, appuyée sur la relation de proximité et la régulation apaisée des conflits.
Dans ce contexte, le sentiment d’insécurité s’intensifie chez les manifestant·es et la nécessité de se protéger – par des équipements adaptés pouvant dissimuler partiellement le visage – devient une évidence légitime. Dans un climat marqué par la crainte ‒ et la réalité ‒ de violences policières, se protéger relève du bon sens, non du délit.
L’acte de « rébellion » serait également retenu à l’encontre de ce manifestant, alors que les personnes qui l’ont agressé ne se sont pas présentées comme faisant partie des forces de l’ordre. Ils ne portaient pas de brassard ni aucun signe permettant de les identifier comme tels. Le délibéré sera rendu le 17 juillet 2025.
Doit-on désormais, à tout instant, s’attendre à se voir traiter tels des criminels ou des terroristes pour avoir simplement participé à une manifestation ?
Rappelons-le, la manifestation qui s’est tenue à Guéret le 5 octobre 2024, réunissant 3 000 personnes pour des Forêts Vivantes et contre l’implantation de l’usine de granulés de bois Biosyl, avait été déclarée et autorisée par la Préfecture. Elle s’est tenue dans une ambiance familiale et festive, à l’exception ‒ notable‒ ! – de l’assaut des forces de l’ordre sur le cortège, au moment d’une action symbolique et sans danger : des lancers de pellets sur les grilles de la Préfecture.
Cette action, qui n’engendrait aucune dégradation, a été suivie d’une charge violente de policiers en civil parmi une foule de manifestants, composée notamment d’enfants et a déclenché un mouvement de panique aussi inutile que dangereux. Cette intervention policière disproportionnée était à l’image du dispositif policier mis en place par la Préfecture ce jour là : plusieurs unités de maintien de l’ordre, engins lanceurs d’eau, barrières anti-émeutes aux portes du centre-ville, hélicoptères.
Les différentes associations de défense de l’environnement en France se joignent à celles du Limousin et à la section Guéret-Creuse de la Ligue des Droits de l’Homme, pour dire leur soutien aux personnes interpellées, leur indignation face aux méthodes employées et face à la répression du mouvement de défense du vivant qui est à l’œuvre. Nous serons là le 17 juillet et 28 juillet ainsi qu’à d’autres dates si chacune des personnes interpellées a besoin d’un quelconque soutien.
Pour nous, les opérations policières qui ont eu lieu en Creuse et en Charente Maritime ‒ et où, ensuite ? ‒ interviennent dans un contexte général de régression écologique et de répression vis-à- vis de citoyen·nes qui protestent contre la destruction du Vivant, pendant que les industries responsables de sa destruction sont protégées, encouragées et même outrageusement financées par des deniers publics.
Les perquisitions des domiciles des militants écologistes du Limousin ont eu lieu trois jours seulement après la manifestation nationale pour la sauvegarde des forêts vivantes à Pau le 14 juin 2025. Cette mobilisation rassemblait des collectifs locaux et nationaux engagés dans la protection des forêts et des milieux naturels, venus exprimer leur opposition à la prolifération de projets industriels aux impacts écocidaires.
La principale revendication portait sur l’arrêt de projets tels que Biosyl, E-cho, Gardanne. etc… En effet, selon les organisateur.ices, les besoins en bois de ces industries excédent largement les capacités de régénération durable des forêts. Elles mettent ainsi en péril l’avenir des régions dont elles surexploitent les forêts, en dégradant les écosystèmes, en fragilisant les équilibres économiques locaux et en menaçant directement les conditions de vie des populations qui en dépendent.
Au cours de ce rassemblement, la politique forestière de l’État a aussi été contestée. Nous considérons que par ses autorisations, son soutien politique et ses subventions, l’État français favorise une exploitation forestière démesurée au nom du « bois énergie », en dépit de la crise climatique et de la vulnérabilité croissante des écosystèmes forestiers.
Rappelons qu’à l’heure où l’objectif de ne pas dépasser 1,5° d’augmentation moyenne des températures n’est même plus atteignable selon le dernier rapport du GIEC, limiter les effets catastrophiques du réchauffement climatique consisterait plutôt à freiner de manière drastique la déforestation.
Nous sommes des défenseur·ses de l’environnement, nous remplissons notre devoir, selon l’article 2 de la Constitution « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » et nous agissons selon notre droit légitime à manifester.
Ces événements n’entameront donc en rien notre détermination.
Les signataires du communiqué :
UD CGT 23, Méga scierie non merci, Les Amis de la Terre Limousin, Ligue des Droits de l’Homme section Guéret-Creuse, Le Comité Local des Soulèvements de la Terre 19, L’Aubraie pour des forêts vivantes en Limousin, Les Mouvements du Thaurion, Association Carduelis, Le Groupement forestier du Montbuchoux, Collectif Forêts SyVa, Adepal, Le Groupe Forêt du Syndicat de la Montagne Limousine, Collectif Panneaux sur Prairies non Merci, Stop Mines23, Comité Local des Soulèvements de la Terre 23, ADNA, Collectif Perche l’Oiseau, Collectif Chambertois Contre le Saccage Forestier, FNE23, Écoute l’Arbre et la Feuille, XR Limoges, Comité local des Soulèvements de la Terre Limoges, Syndicat SIMPLES, Jeunes Racines et Vieilles Pousses, Aux Arbres Déchaînés, TPMF Pyrénées, GNSA, CADE Collectif des Associations de Défense de l’Environnement, SOS Forêt Dordogne, Postindustrial Animism, Adret Morvan, Collectif Forêts Vivantes Pyrénées, SOS Forêt France.