Temps de lecture : 3 minutes

Parfois incontournable en sylviculture, la plantation d’arbres fait l’objet d’une dérive sous la pression des lobbies de l’industrie de la sylviculture et des pépiniéristes, confortée par un discours simpliste de plusieurs startups basées sur le concept : je plante un arbre pour sauver la planète. Mais une sylviculture responsable fait peu appel à la plantation. Elle est soit le symptôme d’un dysfonctionnement du projet sylvicole, soit la conséquence d’une industrialisation de la forêt. C’est pourquoi un certain nombre d’entre nous résume la situation par le slogan « Si on plante c’est qu’on s’est planté ». Un slogan, comme tous les slogans, qui reste à nuancer…

Replanter… les coupes rases

La caricature c’est la production de bois en monoculture intensive. Tous les arbres sont de même espèce et ont le même âge. La logique de ces plantations est de récolter tous les arbres en une fois en effectuant une coupe rase. Cette technique nécessite souvent une replantation, ne serait-ce que pour garder bien alignée la future plantation et faciliter le passage des engins.

Les incidences de cette technique sur les sols, l’eau, le carbone et la biodiversité sont catastrophiques et inutiles. Un État responsable devrait interdire l’usage de la coupe rase et de la plantation monospécifique. Au contraire, il pousse actuellement la profession dans cette voie à grand renfort de subventions.

Dernier épisode lié au plan de relance, 200 millions d’euros négociés l’été 2020 auprès du  ministère de l’Agriculture et destinés principalement à la plantation sans aucune contrainte. Le rapport Cattelot (députée LREM) sur la forêt préconise au contraire d’assortir toute subvention de ce type à des contreparties environnementales. La sortie de ce rapport prévue en juin 2020 a été repoussée en septembre… après l’annonce du déblocage des fonds pour la filière.

Peu de subvention pour la sylviculture douce

D’autres techniques plus douces font appel à la nature pour aider le sylviculteur à produire du bois de qualité. Elles ont l’avantage de produire du bois en pérennisant la qualité des sols, avec un faible impact sur la biodiversité et sur l’eau et permet de stocker plus de carbone en forêt. Elles assurent un maintien de l’écosystème forestier en conservant un couvert forestier continu (pas de coupe rase ou de coupe forte) et une diversité d’essences et d’âges.

Ces techniques permettent de produire autant de bois et de meilleure qualité que la plantation industrielle mais fait l’objet de beaucoup moins de subventions. Cette sylviculture douce privilégie la régénération naturelle (les graines des arbres) mais un apport en plantation peut parfois s’avérer utile. Probablement plus demain qu’aujourd’hui suite aux nouvelles déconvenues inhérentes au changement climatique.

Reproduire les erreurs du passé ?

Aujourd’hui, l’essentiel des volumes de plantation est réalisé dans les forêts industrielles souvent en résineux. Depuis quelques années, la faible résilience des plantations monospécifiques entraine des catastrophes de plus en plus importantes. À titre d’exemple, les populations d’épicéa, souvent plantées sur des stations inappropriées en monoculture grâce au « fonds forestier national » sont en train de disparaître suite à des attaques de scolytes (insecte) globalement beaucoup plus marquées en monoculture qu’en forêt mélangée. Un phénomène aggravé par la sécheresse de ces dernières années et le réchauffement climatique.

Dans certaines régions, la « solution » proposée par certains sylviculteurs est de remplacer les monocultures d’épicéa décimées par des plantations de pins Douglas… à l’aide des nouvelles subventions du ministère de l’Agriculture. Les conditionnalités de diversité d’essences devraient être le minimum à imposer en contrepartie de ces subventions (consulter les propositions de Prosylva) ! Reproduire les erreurs du passé n’est plus possible à l’aune des connaissances scientifiques actuelles et des enjeux liés à la forêt et à la biodiversité !

Le Ministre n’écoute que la filière

La filière bois, première pourvoyeuse d’emplois en France après le secteur automobile, pourvue d’une organisation hégémonique au service des gros propriétaires  a un poids démesuré auprès de l’État au regard de la multi-fonctionnalité de la forêt. En chiffrant l’ensemble des services rendus par la forêt, on constate que la production de bois représente à peine 20%. 20 % des services rendus mais 95 % des sièges dans les différentes commissions qui décident les stratégies forestières et 100% de l’écoute du ministre.

L’État est lui-même habitué à privilégier le déficit du commerce extérieur et le développement d’une logique industrielle et financière au détriment d’une vision de moyen et long terme intégrant les grands problèmes actuels : changement climatique, biodiversité, eau, pérennité des sols, écoute des habitants des territoires concernés…

En conclusion

  • La plantation est l’un des outils de la sylviculture à utiliser avec modération.
  • Aujourd’hui la plantation est massive et plutôt synonyme d’industrialisation de la forêt.
  • L’État, en subventionnant sans exigence, gaspille nos impôts pour des politiques de très court terme qui ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux majeurs actuels.
  • Lorsque des startups vous invitent à planter (payer) un arbre, il y a de fortes chances que vous participiez à l’industrialisation de la forêt.