Forêt : nous voulons des contrôles !

Les récentes tentatives de reculades du gouvernement sur les mesures environnementales dans l’agriculture (le débat est loin d’être terminé) inspirent les industriels du bois… Dans une lettre au ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires Christophe Béchu, datée du 31 janvier 2023, le président de France Bois Forêt Jean-Michel Servant n’a pas caché profiter des “tensions exprimées ces derniers jours par le monde agricole” pour réclamer sa part du recul écologique. 

Comme la Fnsea et les Jeunes Agriculteurs, France Bois Forêt dénonce les réglementations européennes environnementales et “leur transposition voire leur sur-transposition nationale”. L’Office Français de la Biodiversité aurait créé “un climat d’insécurité insupportable pour tous les intervenants en forêt comme pour leurs donneurs d’ordre”.

Et France Bois Forêt de réclamer “un cadre provisoire opérationnel” permettant la reprise des travaux forestiers “sans risque de pénalisation”. En clair : bénéficier d’une totale impunité pour exploiter la forêt sans s’encombrer de considérations environnementales, notamment celles définies par l’article L.411-1 du Code de l’Environnement, qui visent à préserver les espèces et de leurs habitats. Allez traversons gaiement les cours d’eau et tant pis si elle devient imbuvable pour les troupeaux en aval !

La troisième des 16 propositions de SOS Forêt contient la phrase suivante : “Dans les forêts privées, les personnels chargés de l’application et du contrôle de la Loi et ceux qui orientent les pratiques, doivent être implantés en Régions et sur le terrain, avec les moyens humains, techniques et juridiques leur permettant de contrôler la durabilité des pratiques de gestion”. 

Les moyens de l’OFB depuis la rédaction de cette proposition, il y a dix ans, sont malheureusement loin d’avoir été renforcés, comme ceux de l’ONF et de tous les services publics forestiers. La part qui est consacrée à la forêt est minoritaire à l’OFB et les agents ne peuvent en aucun cas fermer un chantier forestier, puisque cette décision revient au préfet ou au juge, selon les cas constatés. En outre, les contrôles comme les contraventions qui pourraient être dressées ne concernent qu’une petite minorité de propriétés, selon les forestiers publics et privés que SOS Forêt a pu contacter. Ils peuvent effectuer des contrôles et dresser des contraventions, mais dans la grande majorité des cas, leurs interventions sur les chantiers prennent la forme d’échanges et de recommandations. Ce sont d’ailleurs surtout les agents de la DDT qui interviennent pour contrôler les chantiers (c’est à la DDT que sont adressées les demandes d’autorisations de coupes). 

SOS Forêt France apporte son soutien aux personnels de l’OFB et à tous les propriétaires et exploitants forestiers qui suivent les préconisations environnementales et les considèrent comme une source d’informations pour mieux protéger la vie de leur forêt, les vies dans leur forêt. La lettre de France Bois Forêt et le ton péremptoire employé sont d’autant plus inquiétants pour nos forêts que France Bois Forêt compte un représentant de l’ONF parmi ses 24 administrateurs.  Les centaines de forestiers naturalistes de l’ONF n’ont certainement pas été consultés, eux qui chaque jour, inventorient, protègent et planifient des travaux forestiers en veillant à préserver toute biodiversité, qu’elle soit commune ou exceptionnelle. Ni les exploitants forestiers qui utilisent des huiles bio, veillent aux périodes de nidification, mettent en place des dispositifs pour protéger les zones humides ou les cours d’eau…

En cette période de dérèglement climatique où les forêts françaises ont un rôle majeur à jouer en terme de captation du CO2, de régulation des températures et de réservoir de biodiversité, nous demandons qu’au contraire le gouvernement annonce la création de postes à l’OFB et à l’ONF, le renforcement des contrôles et recommandations et qu’il soit ordonné aux préfets comme aux procureurs d’appliquer la loi avec tout le zèle nécessaire. Zèle que certains trouvent forts utiles quand ils demandent aux gendarmes de protéger la coupe rase en cours dans leur forêt privée comme cela s’est vu récemment à Sornac (19). Ou comment utiliser le service public pour protéger des intérêts privés !

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