Non à l’usine à granulés de Salins-les-Bains !

Sains-les-Bains

Salins-les-Bains, 2 500 habitants, ses paysages remarquables, son fort classé au patrimoine mondial de l’Unesco, sa forêt… sauf si le projet de méga-usine à pellets (encore un !) aboutit : plus de 8 hectares, 110 000 tonnes par an. SOS Forêt a répondu à la consultation publique.

La consultation publique s’est achevée ce 11 décembre. Sur le site de la préfecture du Jura, une liste interminable d’avis sur le projet d’installation d’une « unité de granulation à Salins-les-Bains ». Comprenez : une énième usine à hacher menu la forêt pour en faire des granulés de chauffage. SOS Forêt a envoyé son avis. C’est non !

Voilà le texte que nous avons fait parvenir à la préfecture du Jura :

« Un projet a été déposé par la société E02. Ce dernier porte sur un dossier de demande d’enregistrement relatif à la création d’une nouvelle unité de granulation dans le Jura dans le commune de Salins les bains.

L’installation s’implantera sur un terrain de 8,3 ha dans la zone industrielle des Mélincols, située au Nord-Ouest de la commune. L’unité transformera des rondins de trituration, feuillus et résineux, en granulés de bois. Les granulés seront vendus en vrac ou ensachés et palettisés. La capacité de production de l’unité s’élèvera à 110 000 t de granulés par an. Le site comportera :

  • une plateforme de stockage et de transformation des rondins ;
  • un séchoir à contact direct équipé d’un générateur d’air chaud à partir de biomasse ;
  • une unité de granulation ;
  • une unité d’ensachage et de palettisation ;
  • des zones de stockage des granulés.

SOS Forêt France souhaite apporter une contribution défavorable à l’implantation de cette unité de granulation, et ce pour diverses raisons dont voici un résumé :

Des impacts sociaux conséquents

a. Emploi

b. Accaparement du terrain

Des massifs forestiers mis en péril

a. Impact sur la gestion forestière

b. Structuration de filière bois et approvisionnement

Des impacts sociaux conséquents

Emploi

La question de l’emploi local est bien souvent considéré par les décideurs actuels comme une question centrale. Sur ce projet, une promesse de création de 45 emplois est formulée. Nous regrettons qu’aucune conditionnalité aux aides publiques ne soit mise en œuvre, afin d’apporter des garanties de création d’emploi, actuellement inexistante dans le projet.

De plus, nous nous interrogeons vivement sur la répartition de ces emplois. Là où une politique publique ambitieuse pourrait permettre de dynamiser les entreprises locales par un plus petit nombre d’embauche réparties sur un plus grand nombre d’entreprises, nous observons ici une concentration de l’emploi sur un seul acteur. Cela nous amène à nous intéresser à la notion d’accaparement.

Accaparement du terrain

Ce projet met en exergue une surface disponible de 8,3 hectares. La totalité de cette surface sera donc occupée par un seul organisme. Nous dénonçons cet accaparement de la surface, et préférons réserver notre soutien à des projets permettant l’implantation d’une multiplicité d’acteurs. La notion de « redynamisation de l’activité locale » revient à plusieurs reprise dans la présentation du projet. Nous considérons que le dynamisme d’une activité est favorisée par une diversité d’acteurs, et non par une concentration, ce qui est le cas dans ce projet.

Des massifs forestiers en péril

Impact sur la gestion forestière

À la lecture du projet, nous apprenons que : « Les granulés de bois seront fabriqués à partir de rondins de triturations de résineux et de feuillus issus des forêts du massif jurassien, provenant majoritairement de coupes d’éclaircie ou sanitaires ainsi qu’à partir de bois destiné à l‘industrie et à l’énergie en granulés de bois. Cela inclut notamment le bois qui ne peut pas être utilisé par d’autres industries, comme celui affecté par le scolyte ou endommagé par les effets du changement climatique ».

Cette lecture nous amène a formuler trois remarques :

La première concerne les produits bois visés par cet industriel dans son process de transformation : les rondins résineux (et feuillus) de trituration. Ce produit bois émane directement de l’exploitation forestière. Il s’agit des sur-billes des arbres (partie de l’arbre au dessus de la bille de pied), dans lesquelles une production de sciage est peu opportune du fait des dimensions et de la qualité de ces billons.

Pendant de nombreuses années, les décideurs ont vanté le développement de l’industrie du bois énergie en mettant en avant le fait que cette industrie apporterait une solution viable pour valoriser certains déchets de l’industrie existante : les connexes de scierie. Nous constatons ici le mensonge de ces beaux discours, puisque ce projet souhaite s’approvisionner sur le même produit que des transformateurs de bois de calage, de panneaux de particules, ou encore de pâte à papier. La pression sur le produit bois de trituration va donc encore augmenter, et derrière elle, la pression sur la récolte de bois en forêt. Nous prônons ici le respect de la hiérarchie des usages.

Pas de bois énergie dans le bois d’industrie !

Cette récolte est précisée comme provenant de coupes d’éclaircies, ou sanitaires. Nous constatons qu’aucune garantie sur ce type d’approvisionnement n’est formulée dans le projet. En effet, nous ne résistons pas à faire le lien avec le contexte européen actuel. Les lobbyistes de l’industrie forestière viennent d’empêcher la mise en application d’un règlement sur la déforestation importée (RDUE). Ce règlement visait également à réglementer la commercialisation de bois provenant de forêts dégradées, par des coupes rases par exemple.

Ce projet, qui nous promet un approvisionnement vertueux en matière de coupe de bois, ne sera donc soumis à aucune contrainte pour faire respecter cette belle promesse. Il est temps que les industriels présentent des garanties sérieuses sur la provenance de leur produits bois, car nous ne souhaitons pas défendre un projet industriel qui cautionnerait la pratique des coupes rases. Rappelons ici qu’un récent rapport gouvernemental d’environ 800 pages démontre point par point les nombreux impacts néfastes de la pratique de la coupe rase.

Enfin, puisque nous évoquons le sujet des coupes rases, nous souhaitons ici faire un focus sur la question des coupes sanitaires, et notamment des bois «  affectés par le scolyte ou endommagés par les effets du changement climatique ». La politique forestière du gouvernement actuel voudrait nous faire croire que ces fameux bois sont inutiles, car dépréciés, ou morts. Inutile pour l’être humain ? Sûrement pas. Inutile pour écosystème forestier ? Encore moins. Inutile pour un industriel du bois énergie ? Probablement ! Ces bois ont certes perdu leur capacité technologique, mais ils ne sont pas moins utiles. En retournant au sol, ils constituent une protection physique contre l’assèchement de l’humus et de la banque de graine qui s’y trouve. Ces bois morts empêchent également le rejet du carbone stocké dans le sol. Enfin, cette matière organique permet de redynamiser la régénération en aggradant la fertilité carboné du sol. La coupe sanitaire n’est donc pas la seule et unique solution du propriétaire face aux dégradation des changements globaux actuels.

Plus loin, nous lisons : « Cela permettra de créer un nouveau débouché pour un bois non-valorisé localement et périssable, ainsi que de valoriser l’entretien forestier et encourager le renouvellement du peuplement la forêt. »

Nous l’avions craint, c’est désormais une certitude. Comment encourager le renouvellement de la forêt en ne faisant que des coupes d’éclaircies ? Cela n’est pas possible. Le principe d’éclaircie s’intègre totalement dans une démarche d’amélioration des peuplements. Tandis que le renouvellement sous entend le retrait, plus ou moins progressif, des arbres matures dans un but de rajeunissement des peuplements. Notre association nationale étant constituée notamment de professionnels de la forêt et du bois, nous n’avons pas manqué de relevé cette incohérence, qui semble révéler les véritables intentions de ce projet.

Nous revendiquons des pratiques sylvicoles plus douces, qui puissent permettre au couvert forestier d’être pérenne à travers le temps. Ces pratiques sont compatibles avec une filière bois locale et dimensionnée à la ressource, et à ces évolutions. Un tel projet risque de favoriser les pratiques forestières brutales comme les coupes rases, ou les coupes fortes.

Structuration de filière bois et approvisionnement

La filière bois locale (dans un rayon de 30 km autour de Salins-Les-Bains) dispose déjà de quatre unités de transformation du bois, qui, a elles seules, mobilisent déjà près de 400 000 tonnes de bois par an. Ce projet expose un besoin en bois d’environ 110 000 tonnes de bois, qui viendraient donc s’ajouter aux quatre unités déjà présentes. Notre inquiétude est immense face à la demande de récolte croissante qui pèse alors sur la forêt jurassienne. En effet, de nombreuses surfaces forestières ont déjà été rasées. Ces surfaces ne seront à nouveaux génératrices de bois que dans 40 à 50 ans selon les essences régénérées.

De plus, les changements globaux actuels ont des effets importants sur la croissance des bois. Ainsi, l’accroissement qu’a connu nos forêt jusqu’à ce jour doit être relativisé, et la production qui en découle doit être revue à la baisse. L’implantation d’une structure ayant des besoins aussi élevés nous semble en inadéquation avec l’avenir de la forêt jurassienne sauf, à aller vers une industrialisation des écosystèmes forestiers. Ce que nous combattons avec détermination.

Sources

Synthèse du 6e rapport du GIEC : l’urgence climatique est là, les solutions aussi – Réseau Action Climat

Rapport de l’Académie des Sciences – Les forêts françaises face au changement climatique

Gestion Forestière et changement climatique, une nouvelle approche de la stratégie nationale d’évaluation, janvier 2020

Article Biodiversité.gouv.fr – Les 5 pressions sur la Biodiversité

Expertise collective CRREF

Article Reporterre

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